Made in Miami, 12e étape autour du Monde
William Jeffett
Paysages de Miami
La nouvelle série de peintures d’Hervé Di Rosa, Miami Landscape (2004-2005), témoigne d’une nouvelle phase de l’œuvre de l’artiste, plus épurée de façon générale. Certes, on y retrouve ses personnages aux codes de bandes dessinées, une constante dans son approche de la figuration picturale. Sont également présents et aussi importants, les connexions avec la culture populaire et l’intérêt de l’artiste vers ce que l’on pourrait appeler le nomadisme culturel. Mais ce qui distingue ces toiles des précédentes est une sorte de détournement de la tendance d’un remplissage de l’espace et l’exploration d’un langage toujours plus dépouillé. Dans ce sens, la couleur et la lumière sont essentiellement présentes pour représenter les paysages typiquement populaires de Miami.
Pour beaucoup, ces paysages de Miami permettront à l’artiste de se présenter à l’Amérique. Son implication dans la « Figuration libre » dès la naissance de ce mouvement est généralement bien connue en France. De même, les travaux collectifs qu’il a effectués dans les années 1990 (voir ci-après) dans de nombreux pays du monde entier ont déjà été présentés. Cependant, la présence de Di Rosa aux États-Unis est peut-être moins connue du public français.
MIAM
Durant les années 1990, Di Rosa a voyagé à travers le monde et collaboré avec des artisans locaux à l’élaboration de ce que l’on pourrait appeler « l’art du monde ». La portée de ce terme peut d’ailleurs être étendue à la « musique du monde » pour décrire les fusions sans cesse changeantes de la culture globale et, dans ce cas, un processus de collaboration. Di Rosa a toujours soutenu toutes les formes d’art populaire. Récemment, à Sète, sa ville natale, il a créé le Musée international des arts modestes, donnant ainsi à cette forme d’art une plate-forme institutionnelle depuis longtemps méritée. Les arts modestes désignent un concept générique qui englobe toutes les formes populaires de pratiques d’art visuel, depuis l’art traditionnel jusqu’à la culture de masse, et sont nés de l’amour que Di Rosa porte à la bande dessinée française et à la musique rock. D’après la journaliste française Louise Cuneo, « Le musée est un mélange de trois styles : le contemporain, les créations singulières comme l’art brut, et tous les arts modestes, populaires, décoratifs, traditionnels…»(1)
À cet égard, Di Rosa suit la même ligne que Jean Dubuffet quant à l’intérêt que celui-ci manifestait pour le banal et le non artistique en tant que porteurs de la créativité authentique. Dans une interview de jeunesse, Di Rosa expliquait que toute son œuvre avait été davantage inspirée par la bande dessinée et d’autres formes d’art populaire que par l’élitisme des beaux-arts.
“Moi, je dirais plutôt que c’est de la bande dessinée, car le prestige de la peinture m’ennuie profondément. Moi, je ne vois pas les différences de valeurs entre un concert rock, le cinéma, la bande dessinée, un tableau… Et j’ai essayé de l’expliquer. Ce problème de l’élitisme de l’art m’a freiné dans mon approche de la peinture. Car j’aime tout ce qui est populaire… Bien, je vous ai cité le pop-art américain, voilà une référence, et puis quand j’étais aux Arts-Décoratifs j’ai découvert Dubuffet… C’était comme un maître, oui. Moi, qui ne lis pas beaucoup, j’ai lu son livre L’homme du commun à l’ouvrage.”(2)
Ce rejet des institutions artistiques et cet éloge de la créativité anonyme peuvent sans aucun doute être rapprochés des propos de Dubuffet,
“Le vrai art, il est toujours là où on ne l’attend pas. Là où personne ne pense à lui ni ne prononce son nom. L’art, il déteste d’être reconnu et salué par son nom.”(3)
De même, Dubuffet avait proclamé l’existence de l’art hors des limites de la pédagogie,
“Mon idée – que j’ai déjà ailleurs exposée – n’est pas exactement que l’art ne requiert aucun exercice (car tout artiste a la tâche de mettre au point ses techniques), mais qu’il ne requiert aucun enseignement venant d’autrui, aucune étude de ce que font ou qu’ont fait dans le passé les autres artistes. Je suis tout à fait convaincu que n’importe qui, sans aucune connaissance ni habileté spéciales, sans surtout qu’il y ait du tout à regarder à je ne sais quelles prétendues dispositions natives, peut s’adonner à l’art avec toutes chances de réussite. Il faudra seulement qu’il découvre les moyens de s’exprimer qui lui conviennent.”(4)
Évidemment, cela ne sous-entend pas pour autant que Di Rosa est un autodidacte, mais signifie que, comme Dubuffet, il reconnaît la valeur de la créativité au-delà de son institutionnalisation en tant que culture officielle. À cet égard, le fait que Di Rosa ait été formé à l’École nationale supérieure des arts décoratifs (ENSAD) et non à l’École nationale supérieure des beaux-arts (ENSBA), a dû conforter son opinion. D’autre part, l’initiative de Di Rosa visant à diffuser le concept d’ « Arts Modestes » au MIAM rendait hommage à l’action de Dubuffet en faveur de l’art brut ainsi qu’à la création de l’extraordinaire collection maintenant présentée à Lausanne.
Le terme «arts modestes» est très ouvert et est né d’une rencontre tout à fait fortuite selon les dires de Di Rosa, “Il y a, au tout début, cet enfant dont la langue fourche dans le hall du musée d’Art moderne de la ville de Paris et qui demande à sa mère : « Quand est-ce qu’on reviendra au musée d’art modeste? » J’ai tout de suite aimé ça, ce lapsus, je l’ai tout de suite récupéré. Finalement, à la base de tout, il y a un enfant qui dit modeste au lieu de moderne et moi qui trouve que le terme est juste.”(5)
Ce concept a une portée plus large que la simple définition de la position de Di Rosa en tant qu’artiste, même s’il partage une grande partie de ses valeurs, et décrit une position artistique qui existe dans le monde entier. Pour Di Rosa,
“L’art modeste ne m’appartient pas, je n’ai pas plus inventé l’art modeste que Dubuffet a inventé l’art brut. L’art modeste appartient à tous les créateurs, à tous les collectionneurs que le musée devra accueillir. L’art modeste est une notion qui me dépasse en tant qu’artiste parce qu’il inclut des milliers de gens au travers du monde et pas seulement moi, Hervé Di Rosa, peintre.”(6)
D’une façon significative, Di Rosa a constamment recherché les limites des « beaux-arts » traditionnels et apporté son soutien à toutes les formes qui allaient au-delà des conventions de l’art institutionnalisé en réalisant des travaux collectifs. Pour donner deux exemples, citons l’oeuvre réalisée avec Enrico Baj (1993-1994) et plus récemment avec l’artiste graffiti new-yorkais John « Crash » Matos (2004), cette dernière ayant été récemment présentée à Paris (Galerie Speerstra).
France
Di Rosa apparaît sur la scène artistique française à la fin des années 1970, quittant alors la ville de Sète pour Paris où il commence des études à l’ENSAD. En 1981, il participe à une exposition collective avec Robert Combas, Rémi Blanchard et François Boisrond, organisée dans le loft du critique d’art Bernard Lamarche-Vadel. L’artiste Ben (Vautier) baptise ce groupe « Figuration libre » : « Figuration libre… : 30% de provocation anti-culturelle, 30% de libre figuration, 30% d’art brut et 10% de folie ».(7) Un groupe à la définition quelque peu imprécise est donc constitué, avec Lamarche-Vadel comme figure emblématique, même s’il n’a ni structure formelle ni fondement théorique rigoureux. Au contraire, « Figuration libre » est plutôt le résultat de positions très subjectives nées des expériences personnelles de chacun des artistes fondateurs. Le fait que Di Rosa et Combas sont originaires de Sète donne au groupe une inflexion résolument non parisienne. Sète, forte d’une culture locale solidement ancrée et riche de l’héritage de poètes comme Paul Valéry et de chanteurs comme Georges Brassens, demeure l’un des piliers immuables de l’approche de Di Rosa, même si celle-ci est par ailleurs de plus en plus globale. Brassens a même écrit une chanson, « le Modeste », qui commence par une évocation des racines cosmopolites de Sète, le premier couplet se terminant par le refrain :
Les pays, c’est pas ça qui manque,
On vient au monde à Salamanque
A Paris, Bordeaux, Lille, Brest(e)
Lui, la nativité le prit
Du côté de Saintes-Maries,
C’est un modeste.(8)
Di Rosa déploie maintenant divers langages vernaculaires, en phase avec les multiples perspectives nourries par les traditions locales et populaires. Il nous rappelle l’affirmation bien connue (qui nous vient de Montaigne) selon laquelle plus une chose est locale, plus elle devient universelle.
New York
En 1982, durant un séjour de deux semaines à New York, Di Rosa participe à
une exposition collective d’artistes français à la Holly Solomon Gallery, avec Gérard Garouste, Rémi Blanchard et François Boisrond. L’exposition, intitulée Statement One, est organisée dans le cadre d’une manifestation dédiée à l’art français contemporain, sous le commissariat d’Otto Hahn et avec le concours de l’AFAA (Association française d’action artistique). À l’époque, la critique d’art française Catherine Francblin citait Di Rosa qui expliquait, en se référant à la « Figuration libre », qu’« il ne s’agit pas de peinture, mais de bandes dessinées. » Cette distinction démarque Di Rosa de certains des autres artistes présents à New York. Pour Francblin, la peinture de Di Rosa a une qualité linéaire, presque narrative. « Les peintures de Di Rosa, faites pour être lues en série, sont présentées comme si elles étaient réellement des pages de livres d’images. Il va chercher son inspiration dans la science-fiction… ».(9) Durant son séjour, Di Rosa rencontre le critique libanais Nicolas A. Moufarrege, installé à New York, qui lui présente Keith Haring. C’est par l’intermédiaire de Haring que Di Rosa rencontre Kenny Scharf, qui deviendra l’un de ses amis. Pour importantes que sont ces relations, il faut souligner que son arrivée aux États-Unis permet aussi à Di Rosa de découvrir les films de science-fiction, la contre-culture américaine, les bandes dessinées et les jouets qui à cette époque se trouvaient difficilement en France.
En 1983, Di Rosa obtient une bourse qui lui permet de séjourner à New York. East Village est alors à son apogée tout comme l’intérêt porté à l’œuvre de Jean-Michel Basquiat, Keith Haring et Kenny Scharf. Le langage de Di Rosa, inspiré de la bande dessinée, est rapidement perçu comme un éloge envers l’œuvre des Américains, plus orientée vers le graffiti. La galerie Barbara Gladstone lui consacre une exposition personnelle où ses tableaux sont remarqués pour leur audace et leurs liens avec la bande dessinée. Pour le critique d’Art News,
“Dans l’oeuvre de Di Rosa, la somme des souvenirs personnels, les expériences propres à sa génération et les observations culturelles s’entrechoquent, avec comme seul espoir de réconciliation l’intrigue d’une bande dessinée à grand tirage.”(10)
Avec une connotation plus sensible plus sensible, Nicolas A. Moufarrege écrit sur la même exposition,
“… la vérité éclate de la vision de Di Rosa, une terrible vérité. La formule utilisée par l’artiste pour son examen de conscience est celle d’une réévaluation de toutes les valeurs : l’œuvre devient chair et génie. Di Rosa est un immoraliste et un annihilateur, un bouffon, un impudent, attendrissant et débordant et de fraîcheur.”(11)
L’artiste participe à de nombreuses expositions collectives aux États-Unis, toutes rapidement plébiscitées par la critique. Moufarrege commentait souvent les expositions de Di Rosa dans Arts Magazine et Flash Art. Peut-être est-ce lui qui a le mieux compris que Di Rosa a attaqué la peinture conventionnelle pour redonner un souffle de vie au cadavre de l’art. Dans sa critique de l’exposition de Di Rosa de 1984 à la galerie Tony Shafrazi, il écrit « Hervé Di Rosa offre au public un spectacle qui lui ouvre les yeux. Toutes les règles sont transgressées, toutes les notions sur ce que devrait être l’art sont renversées. Et dans un grand éclat de rire, l’Art est assassiné et la vision d’Hervé Di Rosa prend sa place ».(12)
Tunisie, Mexique, Corée, Bulgarie, Ghana, Bénin, Éthiopie, Île de la Réunion, Vietnam, Corse, Cuba, Cameroun, Afrique du Sud.
Dans les années 1990, l’intérêt que Di Rosa porte à la culture globale le conduit à entreprendre un « tour du monde » de collaborations artistiques. Durant cette période, il se détourne de la France et des États-Unis et est l’un des premiers à ressentir les liens internationaux sans cesse plus étroits qui se tissent dans le monde contemporain, et qui caractérisent la société d’aujourd’hui. En s’adaptant dans une large mesure au lieu où il travaille, aux personnes avec lesquelles il travaille et aux techniques adoptées pour l’occasion, les formes hybrides découlant de sa pratique nomade, ont bousculé la notion conventionnelle d’auteur, laissant supposer que ses travaux auraient été réalisés par des artistes différents.
Miami
Tout naturellement, ce parcours a récemment conduit Di Rosa à Miami, qui est peut-être la ville américaine la plus cosmopolite et dont la particularité est son multilinguisme. L’intérêt pour ce mélange interculturel est caractéristique de la culture des villes portuaires méditerranéennes comme Sète, où les Italiens et les Espagnols sont venus travailler dans ce qui était alors un véritable creuset. Cette mémoire culturelle a donné à Di Rosa une étonnante capacité d’adaptation dans n’importe quel endroit du monde. Dès 1986, Moufarrege avait déjà identifié le nomadisme de Di Rosa, à l’occasion de sa participation à l’exposition collective de la Davies Long Gallery, Mutant International (Los Angeles). C’était bien avant la période de ses voyages autour du monde.
“Etre loin de chez soi et pourtant, se sentir chez soi partout. L’international. Voir le monde, être au centre même du monde. Di Rosa mêle les cultures. Croisements. L’amoureux de la vie peut aussi être comparé à un miroir aussi vaste que cette foule ; à un kaléidoscope doté d’une conscience, dont chacun des mouvements présente une facette de la vie dans l’ensemble de sa multiplicité. C’est une soif de l’ego pour le non-ego, reflétée à tout moment dans des énergies plus vivantes que la vie elle-même. Toujours dans l’inconsistant et l’éphémère. Tumulte étonné avec le dessin du tourbillon. L’anti-art nous fournit de l’art.”(15)
Miami a fourni à Di Rosa un nouveau paysage, en réalité un non paysage défini par la dissémination urbaine, relié seulement par un vaste réseau de routes ; un paysage à l’opposé de celui de Sète, à tous points de vue. La fragmentation de Miami s’étend au-delà du contexte urbain et a permis à Di Rosa d’explorer ses différents moi artistiques dans un résumé de différents langages et discours artistiques.
À propos de Miami, Di Rosa déclare : « C’est une des premières fois où je peux réfléchir sur mon propre travail. Miami est comme un village tranquille et je n’y suis pas autant bombardé d’histoire et de culture qu’à Paris ou Mexico. Miami est une sorte de “no man’s land” avec des automobiles où l’art savant se mélange aux cultures populaires du sud des USA et de l’Amérique latine, le tout remixé et aseptisé par des centaines de chaînes de television. Dans ce “no-culture land”, toute aventure intérieure est fortement recommandée. Quand vous êtes dans un pays où le passé et le génie des hommes sont très anciens, comme sur le continent africain, le Vietnam ou l’Europe, vous êtes submergé d’informations qui vous influencent et vous transforment. Mais ici, dans ce vaste et permanent chantier, je peux me permettre d’être plus moi-même, devenir le curateur de mes différentes époques, pour lutter contre mon ego et la facilité du style ».(14)
Paysages de Miami
Comme nous l’avons vu au début, il y a une nette évolution dans la série des «Paysages de Miami» de Hervé Di Rosa. D’une vision plus anecdotique de l’exotisme du panorama urbain de Miami, avec ses signalisations tout à fait surprenantes peintes sur l’extérieur des édifices, il est passé à une présentation plus abstraite et réduite des couleurs à travers la représentation de l’architecture peinte. À cet égard, si l’architecture de Miami se caractérise par une peinture brillamment colorée, il faut préciser qu’il n’est pas du tout question ici du Miami au décor glamour de South Beach et Coral Gables, ce Miami mythique ancré dans l’imagination internationale, mais de l’âpre réalité des faubourgs ouest de Biscayne Boulevard, y compris Little Haiti, où vivent presque un million de francophones et de créoles, quelquefois dans la pauvreté. Miami est l’un des creusets les plus importants et les plus complexes d’Amérique du Nord, où l’on ne parle tout simplement pas anglais mais espagnol, créole, français et même portugais. C’est aussi une société aux énormes contradictions, exacerbées par un urbanisme chaotique et anarchique. En effet, derrière le quadrillé qui définit les rues, il n’y a ni plan urbain ni code de construction évident. Il en résulte une architecture exubérante, d’une grande inventivité, qui se démarque nettement de la structure rationnelle des constructions art déco de la plage.
Si Miami est une société d’un dynamisme évident, nourrie par le dualisme des forces d’une rapide immigration et d’une intense spéculation immobilière, c’est aussi une société aux niveaux sociaux extrêmes, où coexistent une extraordinaire richesse qui a permis de constituer quelques unes des grandes collections d’art nord-américaines, et une terrible pauvreté, du chômage, un habitat insalubre, des sans-abris et un manque évident de services sociaux de base comme la santé et l’éducation. Dans le même temps, ces contrastes, pour tous les problèmes qu’ils génèrent, sont riches de résonance culturelle, précisément celle dont Dubuffet parlait lorsqu’il suggérait que l’art fuit ceux qui cherchent à l’identifier et que la culture est l’affaire de tous.
Ceci peut paraître très théorique vu de loin, mais les peintures de Di Rosa représentent sans aucun doute la réalité concrète de ce contexte urbain. Là-bas, la signalisation peinte sur l’extérieur des immeubles joue un rôle publicitaire et indique motels, restaurants et boutiques. La transposition de cette signalisation dans ses peintures aboutit à un équivalent pictural de ce contexte défini par l’automobile. De même, Di Rosa s’appuie sur cette signalisation pour traduire la pauvreté, en représentant par exemple les bureaux de prêteurs sur gages, les ateliers de réparations, les bars de restauration rapide et des gens relativement déshérités. La présence de «Botánicas», une chaîne de boutiques où l’on peut trouver différentes plantes et potions pour les rites de Santeria, suggère l’inventivité de cette même culture, si souvent ignorée par les quartiers riches de la ville.
Dans nombre de ces tableaux, Di Rosa fait preuve d’un sens de la caricature qui n’est pas sans rappeler celui de Hogarth.(16) Il a inventé un personnage « riche », empâté et imbu de lui-même, radicalement différent des marginaux des rues malingres et affamés présents dans beaucoup de ses peintures. Le slogan omniprésent de la Floride « Achetons maisons laides » apparaît dans plus d’une toile, presque comme une façon ironique de défier les idées conventionnelles sur la beauté et d’affirmer que les efforts des gens humbles pourraient avoir davantage à offrir que les modes de la scène artistique, celle-ci désignant ici la plage et le nouveau quartier de Winwood, de plus en plus chic, où prolifèrent les galeries d’art, véritables précurseurs d’une spéculation immobilière et d’un développement futur déjà planifié. L’immobilier est de toute évidence au cœur de la scène artistique de Miami. Bien que d’une certaine façon les peintures de la série Miami Landscape soient cruelles et critiques envers le mode de vie américain, elles démontrent également la fascination qu’exerce sur l’auteur d’une façon générale la culture populaire américaine et plus spécifiquement l’éclat des marginaux, notamment leurs dons esthétiques innés.
L’approche de Di Rosa par rapport à l’architecture, à la fois dans le choix de ses sujets et dans sa façon de les représenter, rappelle celle de Fernand Léger, influencé par ses voyages aux États-Unis. Léger pensait que les artistes doivent oeuvrer pour l’ouvrier ordinaire, qu’il considérait comme un poète inné. La couleur et la lumière transformeraient l’architecture et contribueraient au sens inné de la beauté chez l’ouvrier. D’après ses propres mots, « Le jugement populaire n’est libre en ce moment-ci que devant l’objet usuel. Pour le reste, il est faussé par l’éducation traditionnelle… Le peuple est poète. La poésie s’est réfugiée chez lui… Tous les matins, il invente son langage qui est l’argot. L’argot est la poésie spontanée… D’un certain côté, la rue s’organise ; je veux dire par la rue les vitrines, les étalages qui deviennent spectaculaires… Le commerçant a compris que l’objet qu’il vend a une valeur artistique en lui-même s’il sait la faire valoir. Il y a là le commencement d’un art plastique nouveau, d’un nouvel art populaire… » La couleur devait être le véhicule de cette transformation. « Le monument moderne sera certainement spectaculaire et magnifique quant à l’extérieur… La couleur peut entrer en jeu avec une force surprenante et active, sans qu’il soit besoin d’y adjoindre des éléments instructifs ou sentimentaux. On peut détruire un mur par l’application de tons purs…» Alors que Léger imaginait peut-être un usage plus abstrait de la couleur dans l’exécution de peintures murales architecturales, son langage rejoint assez curieusement l’architecture peinte de Miami telle qu’elle est représentée dans les peintures ambitieuses de Di Rosa. De plus, les deux artistes, tout comme Dubuffet, apprécient la possibilité de créer de l’art dans les endroits les plus inattendus.
D’autres références artistiques imprègnent les nouvelles œuvres de Di Rosa. L’intérêt de l’artiste pour la lumière et la couleur évoque non seulement l’oeuvre de Léger mais aussi celle de Matisse, où la lumière, la mer et les arbres se mêlent en une synthèse articulée qui devient paysage. Di Rosa n’est certes pas connu comme un peintre paysagiste, mais les paysages sont une composante de ses peintures et ils ont une place de choix dans ses croquis et ses dessins. L’austérité des tableaux de la série Miami Landscape et leur quasi abstraction sont peut-être plus perceptibles dans Thai Food, où la façade verte de l’immeuble devient pour Di Rosa comme le carré noir réducteur de Malevich. Les peintures urbaines d’Edward Hopper, empreintes de désolation et symboliques de la solitude des grandes cités, sont également une référence évidente et ont constitué pour Di Rosa un modèle artistique, en dépit de leurs différences par rapport à la solitude dispersée et fragmentée de Miami. Enfin, le choix de la représentation de l’architecture urbaine commerciale accompagnée de langage (mots présentés comme des signes) ne sont pas sans rappeler l’exemple d’Ed Ruscha, bien que ce dernier ait développé un style nettement plus pop. Dans le même temps, on remarque un retour aux propres sources de Di Rosa dans la mesure où ces peintures murales forment une toile de fond scénographique pour des personnages caricaturaux qui rappellent ceux de ses premières peintures.
Sculpture
La plus grande partie des œuvres récentes de Di Rosa sont des peintures sur toile, mais l’artiste a également travaillé sur la sculpture en résine de polyester en collaboration avec Olivier Haligon, spécialiste de l’agrandissement et du moulage. Ces sculptures représentent quelques-uns des personnages présents dans les peintures. La ressemblance avec la bande dessinée et la caricature est moindre et ces sculptures font plutôt penser à des jouets géants moulés dans du caoutchouc, en particulier parce qu’elles conservent encore les jointures des moules. Deux d’entre elles représentent un « Riche » et un « Pauvre » , respectivement en monochrome jaune et marron. Deux autres personnages « Groug » et « Polo » sont moulés l’un en vert et l’autre en rouge, et des « Bébés jumeaux aux six yeux », en rose et rouge. Tout en étant proches des peintures, ces figurines n’en sont pas dépendantes. Dans la mesure où elles sont monochromes et non peintes (Di Rosa ayant par ailleurs exécuté d’autres sculptures qui, elles, sont peintes), elles évitent l’anecdote et se posent réellement en sculptures. On peut donc ranger Di Rosa dans la vénérable catégorie des artistes peintres sculpteurs. Il n’est pas surprenant que Haligon et son père aient collaboré avec des peintres sculpteurs comme Miró, Dubuffet ou encore Niki de St Phalle, ces derniers ayant tous exploré les langages populaires dans des sculptures à vocation publique souvent colorées ou même polychromes.
Pour Di Rosa, la résine de polyester, matériau découvert dans les années 1960, a une connotation culturelle bien spécifique à l’Amérique et en particulier à la Floride, puisque le polyester est non seulement un matériau de sculpture mais aussi celui qui a été utilisé pour la création des parcs à thème de Disney, Disneyland et Disneyworld, les décors de films d’Hollywood, les studios Universal de Floride, de nombreuses « marineland », des aquariums et même des bateaux de plaisance, soit à voiles soit à moteur. Le polyester fait donc partie de la représentation du rêve américain. En même temps, ces représentations sont toutes artificielles, vides, pour rire, et par conséquent, évoquent l’envers du décor du rêve américain.
C’est ce qu’Umberto Eco appelait l’« hyperréalité » : « là où l’imagination américaine demande du réel, et que pour l’atteindre, elle doit fabriquer l’artificiel absolu. » D’après Eco, l’hyperréalité n’était pas fortuite (comme l’expressionnisme abstrait, le jazz ou l’architecture moderniste), mais essentielle au paysage américain. Disney est un paradigme de l’hyperréalité : « Disneyland montre clairement qu’à l’intérieur de son enceinte magique, la fantaisie n’est que pure reproduction. …Disneyland peut se permettre de présenter ses reconstructions comme des chefs-d’oeuvre de falsification, car ce qu’il vend, c’est bien sûr de la marchandise, mais ce sont de véritables objets, pas des reproductions. Ce qui est tout à fait dénaturé, c’est notre désir d’acheter, dont nous pensons qu’il est réel ; en ce sens, Disneyland est la quintessence de l’idéologie du consommateur ». Le choix de Di Rosa en faveur de la résine de polyester incarne donc l’essence même du rêve américain et l’artiste joue avec ce matériau en le transformant en sculpture.
Miami Piece
Pour l’exposition actuellement montrée à Paris, Di Rosa présente aussi Miami Piece No. 5 (2005), une nouvelle installation qui s’appuie sur sa récente exposition à New York (Haim Chanin, février 2005). Ce tableau est composé de dizaines de pièces plus petites. La méthode de Di Rosa s’apparente au collage, et ici, le sens de l’unité évolue, au-delà de la fragmentation urbaine elle-même (la relation entre chaque pièce étant semblable à celle des faubourgs disparates de Miami) vers un sens de soi plus complexe interprété en termes de fragmentation. Tout ceci découle également de la discipline qu’il a pratiquée durant de nombreuses années et qui consiste à dessiner tous les jours sur des carnets de croquis. De plus, de cette réponse au no-man’s land de Miami résulte une sorte d’autobiographie. Comme nous le dit Di Rosa, « C’est comme un journal intime à ce moment précis de ma vie et en cet endroit ». De fait, les séries Miami Landscape et Miami Piece peuvent être mieux comprises si on les considère comme un examen de conscience exigeant et une autobiographie, découlant de l’acte quotidien de dessiner dans ce qui est en quelque sorte une forme picturale de l’écriture d’un journal intime.
Le tableau Miami Piece No 5 est la contrepartie fragmentée de la série Miami Landscape et représente une réflexion plus intime sur les différents langages et discours artistiques de l’artiste. En même temps, cette série révèle une nouvelle austérité picturale qui réfléchit à la fois sur le vide du paysage américain (la distance entre des points seulement reliés par la voiture) et sur les engagements intimes de Di Rosa par rapport à son évolution personnelle en tant qu’artiste. Ce processus d’étude qu’il a engagé sur Miami l’a ramené vers l’essence de son identité en tant que peintre. Sans l’interférence de la puissante architecture de New York ou de Paris, le non paysage de Miami lui permet d’être lui-même. Étape la plus récente de son « tour du monde », la série Miami Landscape, en dépit de son caractère novateur, est loin d’être exotique. Bien au contraire, elle nous présente un paysage familier, à la limite du banal, l’un de ceux que Di Rosa connaît intimement. Dans ce sens, ces tableaux constituent l’étape la plus récente et la plus révélatrice de la formation de cet « artiste du monde ».
Dr William Jeffett
Conservateur des expositions au musée Salvador Dalí à St Petersburg, en Floride.
1. Louise Cuneo, «Une promenade artistique avec Hervé Di Rosa», Le Point, n°1661, 15 juillet 2004, pp. 94-95.
2. Ida Biard, «Hervé di Rosa», Flash Art France, n° 3, Printemps, 1984, pp. 54-55.
3. Paris, galerie Drouin, catalogue de l’exposition «Jean Dubuffet, L’art brut préféré aux arts culturels». Texte réimprimé dans le catalogue de l’exposition «Rétrospective Jean Dubuffet 1942-1960», Paris, 1960, musée des Arts décoratifs, p.42.
4. Jean Dubuffet, ibid., p. 41.
5. Sète, Musée international des arts modestes, «Hervé Di Rosa», propos recueillis par Jean Seisser, 2000, p. 12.
6. Ibid., p. 12.
7. L’Isle-sur-la-Sorgue, Campredon Art & Culture, catalogue de l’exposition «Hervé di Rosa Peintre ?», 2000, biographie p. 119.
8. Georges Brassens, Poèmes et chansons, Paris, Point Virgule/Éditions musicales 57, 1991, p. 264.
9. Catherine Francblin, «Free French», Flash Art, septembre 1982, pp. 128-130.
10. N.P., «Hervé di Rosa : Barbara Gladstone», Art News, New York, mars 1983.
11. Nicolas A. Moufarrege, «X Equals Zero, as in Tic-Tac-toe», Arts, New York, février 1983.
12. Nicolas A. Moufarrege, «Hervé Di Rosa : Tony Shafrazy» Flash Art, New York, avril-mai 1984.
13. Nicolas A. Moufarrege, ‘The Mutant International ; VI: «En Gifles Majuscules!!**!?»‘, Arts, New York, 1986.
14. Conversation avec l’auteur, janvier 2005.
15. Fernand Léger, «Couleurs dans le monde (1937)» in Fernand Léger, Fonctions de la peinture, Paris, Gallimard, 2004, pp. 214, 215, 209, 212.
16. Umberto Eco, Travels in Hyperreality, Londres, Picador, 1986, p. 8.
17. Ibid., p. 43.
18. Conversation avec l’auteur, janvier 2005.
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Made in Miami: Hervé Di Rosa, 12th Stage
By William Jeffett
Miami Landscapes
Hervé Di Rosa’s global interests in the 1990s took him on a «world tour» of artistic collaborations to Tunisia, Mexico, Korea, Bulgaria, Ghana, Benin, Ethiopia, Reunion, Vietnam, Corsica, Cuba, Cameroon, South Africa. During this time he largely left behind France and the U.S., where he had worked in the 1980s, and he was one of the first artists to sense the ever-expanding connections in the contemporary world, which today is so typical. His nomadic practice resulted in hybrid forms which destabilized the conventional authorial presence of the artist and produced works seemingly by many artists, depending largely on where he was working, with whom he was working and what medium he adopted for the work.
This trajectory logically brought Di Rosa to Miami, perhaps the most globalized of North American cities and one singular for its many languages. An interest in the merging of different cultures is part of the Mediterranean culture of port cities such as Di Rosa’s native Sète, where Italians and Spaniards came to work as fishermen in what was a melting pot. This cultural memory gave Di Rosa the easy capacity to live in any part of the world. The critic Nicolas Moufarrège had identified Di Rosa’s nomadism as early as 1986, long before the artist’s period of world travels,
To be away from his home and yet to feel at home anywhere. The international. To see the world, to be at the very centre of the world… Di Rosa mixes cultures. Cross-over. The lover of life may also be compared to a mirror as vast as this crowd; to a kaleidoscope endowed with consciousness, which every one of its movements presents a pattern of life in all of its multiplicity.
Miami provided Di Rosa with a new landscape, more precisely a non-landscape, defined by urban dispersion and connected only by a far-flung nexus of roads, a landscape in every sense the opposite of Sète. The fragmentation of Miami extends beyond the urban context, and allowed Di Rosa to explore his many artistic selves in a résumé of different artistic languages and discourses.
Speaking of Miami, Di Rosa says: «This is the first time I am in a place where I can have reflection. Miami is like a village and more out of reality than my experience in Mexico or Paris. Miami is a kind of no-man’s land where fine art and popular culture is mixed, a kind of no-culture land where all is possible… When you are in a place with too much culture, like Africa, Vietnam or France, you are inside and influenced a lot, but here I am less influenced by landscape and can be more myself. It is because of that, I can begin the work of curator of myself, of my multiple styles in order to work against myself, my ego and my style in order to have a more clear view of the world because the image represents the world.»
There is an evolution in Di Rosa’s Miami Landscape series from a more anecdotal emphasis on the exoticism of the Miami urban panorama, with its bold signs painted on the exterior of buildings, to a more abstract, even reductive presentation of color in painting through the representation of painted architecture. Of course, brightly painted architecture is a characteristic of Miami architecture. We are not here speaking of the glamorous Miami of South Beach and Coral Gables, the mythic Miami of the international imagination, but the gritty reality of the neighborhoods west of Biscayne Boulevard, including little Haiti, where perhaps as many as 1,000,000 recent francophone and creole speakers live often in poverty. Miami is one of the great and most complex melting pots of North America, where English is often simply not spoken, in favor of Spanish, Creole French, French and even Portuguese. It is also a society of enormous contradictions, exaggerated by its chaotic and anarchic urbanism. Beyond the grid defining the streets, there neither is an urban plan, nor an evident building code. The result is an exaggerated architecture of great inventiveness. And all of this is separate from the streamlined art deco of the beach.
If Miami is a society of undoubted dynamism, fueled by the twin forces of rapid immigration and rampant property speculation, it also one of social extremes, of great wealth generating some of the great North American art collections, and abject poverty, unemployment, substandard housing, homelessness, unemployment, and a lack of basic social services such as health care and education. At the same time these contrasts, for all of the problems they have generated, are rich in cultural resonance, precisely the cultural resonance which Jean Dubuffet indicated when he suggested that art hides from those who seek to identify it and culture pertains to everyone.
While this may seem exotic viewed from afar, Di Rosa’s paintings represent the concrete reality of this urban context. Here signs situated on the exterior of the buildings perform an advertising function, signifying motel, restaurant or shop. That these painted signs are represented in the paintings sets up a pictorial equivalent with this context so defined by the automobile. Equally Di Rosa deploys signs to signify poverty as in the pawn shops, repair shops, fast food shops where often relatively dispossessed people are represented as characters in the paintings (Pawnshop, Suites $495, Refrigerator, Wheels Brakes, Miami on Wheel, Gus Machado, Kwik Shop, Liquor Store). The presence of Botanicas (Brave Guede and Botanica), those shops where different herbs and potions for use in Santería rituals are to be found, suggests the inventiveness of this same culture, so often ignored by the wealthy sectors of the city.
Di Rosa brings to bear a Hogarthian sense of caricature in many of these works. He has invented a plump, self-satisfied «Rich» character which starkly differs from the skinny and starving street people represented in many of these paintings. The omnipresent Florida sign «We Buy Ugly Houses» appears in more than one canvas (as in Bonanza Supermarket), almost as an ironic way of challenging conventional ideas of beauty and affirming that the efforts of humble people might have more to offer than the fashions of the art scene, in this case located on the beach and in the newly named and increasingly fashionable Winwood area, where art galleries proliferate as an advance guard of property speculation and already-planned future development. Indeed property is the real work of the Miami art scene. Though Di Rosa’s Miami Landscape paintings are cruel and critical of the American way of life (as in Overtown II), they also demonstrate the artist’s fascination generally for American popular culture and more specifically the brilliance of ordinary street people, notably their innate aesthetic capacity. Di Rosa’s approach to architecture, both in his choice of subjects and in his representation of them, demonstrates his appreciation for the capacity for art to be produced in the most unlikely places.
Various artistic references may be discerned in Di Rosa’s Miami Landscape paintings. The interest in light and color does not only bring to mind Fernand Léger, but also Henri Matisse, where light, sea and trees come together in a synthesis articulated as landscape. While Di Rosa is certainly not known as a landscape painter, landscape is a feature of his works and it figures consistently in his sketches and drawings. The austerity of the Miami Landscape series, their near abstraction, is perhaps most evident in Thai Food, where the green façade of the building becomes for Di Rosa like Kasamir Malevich’s reductive black square. The alienated urban scenes by Edward Hopper, symbolic of urban isolation, are also an obvious reference, and provide an artistic model, despite its differences from Miami’s dispersed and fragmented form of isolation. Finally, the choice of representation of urban commercial architecture together with the representation of language (words presented as signs) brings to mind the example of Ed Ruscha, though the latter is clearly adopting a more pop stance. At the same time, there is a return to Di Rosa’s own sources, as these painted murals on the buildings provide in his paintings a scenographic backdrop for caricature-like characters which recall those of his early paintings.
Sculpture
Though the focus of Di Rosa’s recent painting is the canvases, he has been working on polyester resin sculpture realized in collaboration with the Miami-based but French enlarger and caster Olivier Haligon. These sculptures represent some of the characters which appear also in the paintings. They are less cartoon-like and caricature-like and more as if they were giant toys cast in rubber, especially as they retain the seams from the moulds. Two of these represent a «Rich» character and a «Poor» character, respectively in gold and silver monochrome. Two other characters are «Groug» and «Polo,» respectively cast in green and red, and «six eyes baby twins,» in pink and red. While related to the paintings, these figures are not dependent on the paintings. Insofar as they are monochrome, rather than painted (elsewhere Di Rosa has executed painted sculpture), they avoid anecdote and adopt a sculptural stance. Di Rosa’s Crack House provides a résumé of this cast of characters in which they are set in an urban environment which reflects the dynamic nature of Miami’s speculative economy: one which extends seamlessly from derelict buildings used for the consumption of illicit drugs to art galleries and luxury condominiums. Still we can classify Di Rosa in the venerable category of Painter-Sculptor. It is not surprising that Haligon and his father had collaborated with painter-sculptors such as Joan Miró, Jean Dubuffet, and Niki de St Phalle, all of whom explored popular idioms in public sculpture which was often polychrome. Di Rosa’s Living Anatomy aspires to the scale of urban sculpture and demonstrates his breadth of sculptural conception
For Di Rosa the modern material of polyester resin (discovered in the 1960s) has a specific cultural relevance significant for America and specifically Florida, because polyester is the material not only of sculpture but it is the material used to create Disney’s theme parks, Disneyland and Disneyworld, Hollywood’s film sets, Florida’s Universal studios, numerous «marinelands,» aquariums, and even vacation boats, whether sailing or powered. Polyester is part of the representation of the American dream. At the same time, such representations are all fake, empty, about fun, and therefore evocative of the darker side of the American dream.
This is what Umberto Eco called hyperreality: «where the American imagination demands the real thing and, to attain it, must fabricate the absolute fake.» In Eco’s view hyperreality was not incidental (as Abstract Expressionism, Jazz or Modernist architecture), but essential to the American landscape. Disney is a paradigm of hyperreality, «Disneyland makes it clear that within its magic enclosure it is fantasy that is absolutely reproduced. …Disneyland can permit itself to present its reconstructions as masterpieces of falsification, for what it sells is, indeed, goods, but genuine merchandise, not reproductions. What is falsified is our will to buy, which we take as real, and in this sense Disneyland is the quintessence of consumer ideology.» Indeed, Di Rosa’s choice of polyester resin for sculpture both embodies this essential nature of the American dream and plays with it by transforming it into sculpture.
Miami Pieces
Di Rosa here presents for the first time the six part work Miami Pieces (2005-2006), parts of which have been seen in his recent exhibitions in Paris (Galerie Louis Carré, July 2005) and New York exhibition (Haim Chanin Gallery, February 2005). Each of these works is composed of dozens of smaller pieces. Di Rosa’s method is related to collage, and here the sense of unity points beyond the source of urban fragmentation (the relation of each piece being akin to that of the disparate neighborhoods of Miami) to a more complex sense of self understood in terms of fragmentation. It also comes from his discipline, practiced for many years, of drawing in sketchbooks everyday. Further, there is a kind of autobiography which comes out of this response to the no-man’s land of the Miami situation. As Di Rosa tells us in an unpublished statement (2005):
In the Miami Pieces I am the curator of my many selves. I invite each of these artists to build a wall of images. I have been making a living with my art since 25 years, and I always noticed that the public generally spends five minutes observing artworks that often took me months to paint or create. With the Miami Pieces, I tried to find a way to keep people watching, to captivate the public and at the same time distract them.
These Miami Pieces are an intimate diary of my universe, a reading of the images of the world, an open-air thrift store, a scientific composition of daily life’s icons. It is an impossible race to finish with all the images, all the types, all the messages: geographical maps, signs, postcards, printed material, instructions of use, anatomical charts, packaging of action figures, votive images, collectible fetishes, comics, architectural drawings, toy displays, collages, doodles, virtual images, erased manuscripts, flyers, political posters…
Each image depends on the one nearby, it is its continuation, its effect, its other side, its opposite. Each image spreads to the others and at the same time is contaminated by them. Each one is an open window to a world that coexists with other parallel worlds of images.
Indeed, Di Rosa’s Miami Landscape and Miami Piece series may best be understood as an exacting self-examination and as autobiography produced through the daily act of drawing in what amounts to a pictorial form of diary writing.
Di Rosa’s Miami Pieces series is the fragmented counterpart to his Miami Landscape paintings and represents a more intimate reflection on the artist’s different artistic languages and discourses. At the same time, the Miami Landscape series reveals a new pictorial austerity which at once reflects on void of the American landscape (the sheer distance between points only connected by the car) and Di Rosa’s own intimate engagements with his own evolution as a painter. Indeed this process of engaging with Miami has brought Di Rosa back to the essence of his identity as a painter. Without the interference of the powerful architecture of New York or Paris, the non-landscape of Miami permits Di Rosa to be himself. As the most recent results of his «world tour,» Di Rosa’s Miami Landscape series, for all of their novelty, are far from exotic. Quite the opposite, the Miami Landscape series presents a familiar, even banal landscape, one which Di Rosa knows intimately. In that way, they represent the most recent and revealing stage in the formation of this «world artist.»
Aftermath
As a coda to Miami Landscapes, Di Rosa has painting the series: Aftermath. While this series brings a sense of closure, these canvases are qualitatively different in register. They return to the concern with the dark side of the Miami Landscape, and represent a reflection on this very landscape in the wake of Hurricane Wilma, where the widespread destruction of architecture not surprising affected the more disadvantaged areas of the city, not the least little Haiti. As evidence of the scope of the damage, in stark contrast to the immediate clean-up in the more privileged neighborhoods, even today blue tarps can be seen covering many rooftops from the vantage point of the freeway.
There is an ominous register of foreboding in these canvases, conveyed through the use of a generally dark palette of dark blue and black. While the lack of color represents in general the overcast sky of the rainy season, it is instructive to remember these are paintings. The austere quality of the earlier canvases is here placed in the service of this new feeling, now bolstered by an awareness that the socially marginal are even more excluded in times of crisis. Few people inhabit this landscape, save for the occasional and isolated, mainly African-American characters, which seem hastily to walk through this forbidding scenography– as in Cafeteria, Unity Covenk, Robot, and Cleaners etc. In one canvas, Pet Supply, an oversized lizard or iguana is the sole protagonist in a landscape seemingly devoid of human population. A few of these works directly address Hurricane Wilma (as in 730 Aftermath and Of Food), though the sense of destruction is present in all of them.
As in Miami Landscape, Di Rosa offers something of a social critique anchored in personal experience, but it is one which infused with a sense of affection of the protagonists represented in the paintings. In his All American Hot Dog Cart, an isolated female figure walks through a cloud covered landscape with an umbrella, the image a striking reflection on the relativity of national identity. She is at once isolated and part of an American dream, somehow gone desperately wrong. In another canvas, 931, a tree is uprooted and blocks the pavement of the sidewalk. In some canvases Di Rosa’s Hogarthian characters reappear as if somehow to offer judgment on this bleak scenario (Discount Supermarket, Aftermath, and Nails and Eyes). In I95, one such character can be seen alongside homeless people beneath a freeway overpass. Yet all is not without hope, and Di Rosa’s intention is far from sociological, nor is him aim a simplistic criticism. Far from disliking Miami, he is very much at home even at the heart of its most disparate contradictions. In Painting, a character cheerily repaints a building, pointing to the capacity of Miami to remake itself even in the face of sudden destruction. Similarly, in Graffiti and Mary’s, a sense of optimism and even a blue sky has returned. In the end, Di Rosa’s Aftermath series, like his Miami Landscapes, is infused with a sense of optimism founded in the vitality of America’s popular culture. While it offers a view on Miami only an outsider can offer, at the same time it is a perspective lived by Di Rosa– one inviting us into an intimate reflection on the artist’s own sense of discovery.
Dr William Jeffett is Curator of Exhibitions, Salvador Dalí Museum, St Petersburg, Florida.