Tel Aviv, 16e étape Autour du monde

Tel Aviv, 16e étape Autour du monde

Interview d’Hervé Di Rosa par Françoise Adamsbaum fondatrice de la Galerie Keza et productrice de la 16e étape.

FA : En quoi cette étape est elle différente des autres étapes ?

HDR : C’est toi qui m’a proposé cette étape et c’est justement cela qui fait une des différences entre l’étape 16, Tel Aviv/Israel et les autres étapes. Les autres projets, je les avais décidés, en amont, avec de la documentation, par exemple le Ghana, avec les peintures d’enseigne ou beaucoup d’autres projets.
Je me dis donc quand tu me proposes Tel Aviv, que cette étape va poser beaucoup de questions.

FA : Je te sentais prêt à venir voir, en 2006, ce qui n’était pas forcément le cas avant. On se connait depuis 1988 ! Nous partons donc faire un voyage initiatique d’une semaine en 2007. Là tu avais le choix de  continuer, ou pas. Je pensais qu’il y avait une belle matière pour toi, pour une étape de ton projet ‘Autour du monde’.

HDR : Après ce tour, en 2007, Tel Aviv, Haifa, Jérusalem, la Mer morte, le Golan, etc.. qui était comme un tour de département, c’était hallucinant, j’ai été frappé par cette diversité incroyable. Ici c’est un espèce de monde contracté et mélangé, comme «un pays-monde». Et pourtant, j’ai habité à Miami, à Mexico, des villes où les choses étaient mélangées. mais ici c’est le pays entier où on trouve ce mixage.Tous ces gens qui amènent leur technique du monde entier.

FA : Ici il y a peu d’artisanat, par rapport à d’autres endroits du monde ?

HDR : Au départ, l’idée du ‘tour du monde ‘était de découvrir des continents entiers que je n’avais pas effleurés et j’avais envie d’y découvrir quelquechose, en me mettant un peu dans une posture inverse de celle de Delacroix, de faire un compte rendu de ce que l’on voit, de ce que les gens fabriquent et comment se fabriquent les images. Au fur et à mesure, le côté exotique m’emmerdait, parceque les gens vous parlent toujours de l’ailleurs et sont fascinés par le Mexique, le Vietnam, etc….

J’ai voulu casser çà en retravaillant mes images, pas forcément en travillant avec des artisans , mais en rendant compte du travail de l’homme. A Miami, par exemple c’était sur les paysages, comme des relevés d’architecture vernaculaire.

Içi ce n ‘est pas l’artisan, le sujet. Il y en a et il n’y en a pas. Ils viennent du monde entier mais ne sont pas spécifiques.

FA : Cette étape serait elle un tournant ?

HDR : Oui, j’étais prêt à passer au delà de ce système qui consistait à aller voir un artisan. Ce projet est un pari.J’ai très vite vu que ce n’était pas le système artisanal qui allait m’intéresser. J’ai commencé à utiliser l’aquarelle, qui est une matière, un médium, qui depuis longtemps m’a passionné et dont je ne m’étais jamais servi en tant que technique centrale. Il fallait une technique légère pour un pays lourd et complexe chargé d’histoire.

J’essaye de construire ce que je vois du pays et ce que je vois que l’homme y fait. J’essaye de ne pas rentrer dans un autre débat que le débat formel es esthétique qui est le mien.

FA : Et pour ce qui est d’une fabrication ?

HDR : Je voulais m’imprimer dans une fabrication. Il y a un objet qui est vraiment très populaire et modeste dans la culture religieuse israélienne, c’est la kippa. C’est un objet que même les non juifs connaissent. Les kippas, comme les productions de vierges à Séville, sont à la fois de l’art sacré et de l’art modeste. L’art sacré, dans toutes les religions du monde porte en lui une dichotomie : il y a à la fois produit les grands chefs d’oeuvre de l’histoire de l’art et les vierges en plastique de Lourdes. Tous les souvenirs de Jérusalem me passionnent.

J’ai présenté récemment au Musée du Quai Branly des objets de collection d’art modeste. Dans une vitrine, il y avait des petits rabins, des petits musiciens et d’autres personnages. Il y avait aussi dans cette vitrine les kippas Dirosa. C’était le seul endroit où je pouvais intervenir , sans problème.

FA : Quel est l’enjeu finalement sur cette étape ?

HDR : Dire des choses, sans froisser, sans prendre une position sur les choses. Après je livre des choses aux gens et c’est à eux de les interpréter parce que c’est une réalité paradoxale. Mon atelier ici est nomade. Je me rappelle d’un atelier merveilleux en 2008, dans le désert, une tente orthogonale qui donnait d’un côté sur la mer morte, de l’autre côté sur les montagnes d’Arad. Je rejoins un peu, avec ce type d’atelier nomade, le peuple israélien qui sont des nomades, et qui ne savent jamais vraiment où ils vont pouvoir être dans l’avenir.

C’est l’atelier le plus errant et le plus léger que je n’ai jamais fait.

Galerie Keza